
MEMOIRES D'ANDROMAQUE
Atelier de création théâtrale / avec les élèves de l'Atelier d'Art Dramatique bilingue d'Erevan (Arménie)
Mars 2024
Quelques mots sur l'expérience de la Masterclass "Mémoires d'Andromaque" menée à Erevan en Arménie:
"J'ai eu l'honneur de rencontrer et de travailler avec les élèves de l'atelier d'art dramatique bilingue d'Erevan pendant deux semaines au cours du mois de mars 2024. Je leur ai proposé de découvrir une oeuvre de jeunesse de Jean Racine intitulée Andromaque. Cette tragédie classique française explore les problématiques du pardon et du devoir de mémoire à partir d'une fiction mettant en scène plusieurs personnages de la mythologie grecque antique au lendemain de la guerre de Troie. C'est l'une des plus célèbres du poète. C'est aussi à mes yeux l'une des plus passionnante. Sa renommée subit le simplisme réducteur, qui fait de sa fable un entrelacs amoureux compris dans la formule "Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector qui est mort". Nous nous sommes plutôt attachés à aborder les thèmes éthiques et géopolitiques qu'elle permet également de soulever.
Notre travail s'est appuyé quotidiennement sur des exercices d'entraînement mettant en exergue l'exploration des sensations physiques au plateau, sur des exercices d'écriture autour des thématiques de la pièce pour nourrir scènes et improvisations, et bien entendu sur la mise en jeu de plusieurs scènes d'Andromaque de Jean Racine. La pièce n'était pas encore traduite en arménien, les élèves ont travaillé à en traduire plusieurs scènes, nous avons également traversé la pièce en confrontant ses interprétations en plusieurs langues. Au cours de la présentation qui a achevé notre stage, les élèves ont fait en entendre Racine en français, en arménien mais également en anglais, en grec et en russe.
Sensibles à la pièce comme à ses résonances avec le contexte d'après guerre en Arménie, les comédien.ne.s se sont engagés avec beaucoup de sincérité dans les propositions scéniques que je leur ai faites. Ils m'ont accordé une grande disponibilité et une grande écoute. Nous avons travaillé avec ferveur et délicatesse, doucement, et rigoureusement, avec sensibilité et profondeur. Leur curiosité a rendu possible le fait que ces deux semaines d'exploration soient l'occasion d'une véritable rencontre pour eux comme pour moi.
C'était la première fois que je mettais en scène des acteurices dans une langue étrangère. L'expérience s'est avérée pour moi absolument passionnante. Pour l'avoir mise en scène récemment en langue française, je connais plutôt bien la pièce de Racine, je connais son rythme et le contenu de chacune de ses répliques. Dans ce contexte, ne connaissant pas l'arménien, je devais diriger à l'aveugle. Mon attention s'est donc focalisée sur ce qui caractérise particulièrement mon travail avec les acteurices : la présence, le rythme et l'émotion. J'ai proposé un certain nombre d'exercices d'écriture dont je ne pouvais pas connaître le contenu, j'ai fait lire ces textes aux comédien.ne.s et nous avons pu percevoir ensemble les éléments qui rendent possible la justesse d'une interprétation au présent. J'ai inventé dans ce contexte de nouveaux exercices d'entraînements que je compte reproduire à l'occasion de prochains travaux de mise en scène.
A Erevan, j'ai partagé de nombreuses discussions avec les stagiaires au sujet de l'esthétique contemporaine et à propos des enjeux politiques et culturels de l'art théâtral dans le contexte historique actuel. Je suis repartie en France avec le désir de poursuivre mon chemin artistique en collaborant avec des artistes arméniens, de continuer à découvrir ce pays, sa culture, ses habitants. Il me semble impensable après une telle expérience de rester ignorante ou insensible au sort politique de ce pays. J'ai déjà pris attache avec plusieurs artistes arméniens issus de la diaspora et résidant en France pour continuer d'apprendre. Je suis impatiente de revenir à Erevan pour échanger à nouveau et y inventer de nouvelles expériences de création artistique."
(Lena Paugam)
RESTITUTION PUBLIQUE:
16 mars 2024 - Institut de Théâtre et de Cinéma d'Etat (Erevan - Arménie)