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LAISSE LA JEUNESSE TRANQUILLE

 

 

Texte: Côme de Bellescize

Mise en scène: Lena Paugam

Interprétation: 

Fernanda Barth

Sébastien Depommier (en alternance avec Mathurin Voltz)

Alex Fondja

Nathan Gabily

Charlotte Van Bervesselès

Gonzague Van Bervesselès (en alternance avec Anthony Audoux)

Scénographie: Lorine Baron

Création sonore: Lucas Lelièvre

Création lumières: Jennifer Montesantos

 

Création 2016

"LAISSE LA JEUNESSE TRANQUILLE est un spectacle réalisé à partir d’un texte de Côme de Bellescize et d’un collectage d’entretiens réalisés en région Bretagne auprès d’une soixantaine de jeunes de 18 à 25 ans au sein de diverses structures d’actions culturelles et sociales (missions locales, foyers de jeunes travailleurs, écoles, lycées, universités).

Ce projet s’inscriit dans un cycle de création dédié à la jeunesse initié par le Collectif Lyncéus en 2015 avec le spectacle intitulé LE 20 NOVEMBRE, pièce de Lars Norén mise en scène par Lena Paugam et conçue pour être représentée en milieu scolaire dans un dispositif de salle de classe. En 2016, les réalisateurs François Hébert et Olivier Strauss créent aussi REPONSES AU BROUILLARD, un court métrage dressant le portrait de Théophane Batton, un jeune garçon rencontré au cours d’une résidence au foyer de jeunes travailleurs de Guingamp.

 

Ce spectacle est issu d’une commande émise par Guillaume Hasson lors du festival Théâtrales Charles Dullin 2014. Il avait été demandé à la metteure en scène de répondre à la question « Qu’est-ce qu’avoir 20 ans aujourd’hui ? » en réalisant une maquette du texte de Côme de Bellescize. Une première ébauche de spectacle a été présentée en décembre 2014 dans les théâtres des quatre villes où l’auteur a rencontré les jeunes ayant inspiré son écriture. En 2015, l’équipe de création du spectacle a réengagé son processus de travail en allant audevant de la jeunesse dont elle entend parler pour saisir encore davantage ses singularités. Un collectage d’entretiens a été réalisé en Bretagne entre octobre et février 2016. La création du spectacle a vu le jour en mars 2016 au théâtre de la Paillette à Rennes." 

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Réponse de Lena Paugam à la question de Guillaume Hasson :  

« QU’EST-CE QUE, POUR VOUS, AVOIR 20 ANS AUJOURD’HUI ?»   

 

« Avoir 20 ans, pour chacun et de tout temps, c’est envisager son avenir. Comment et que devenir? Quels sont les choix que le monde et la société dans laquelle j’évolue me présente ? Quel mode d’existence m’est-il proposé ? Quel legs m’a-t-on laissé ? Où aller ? Dans quel sens?   Ainsi, se demander aujourd’hui ce que représente pour un jeune le fait d’être né entre 1985 et  1995, c’est poser la question de son rapport au temps et à l’espace dans lequel il évolue. Comment considère-t-il le paysage qu’il découvre face à lui et que compte-t-il en faire ?

Je suis de ceux qui ont en ce moment entre 20 et 30 ans. Je travaille actuellement en tant que metteur en scène dans le cadre d’une recherche doctorale pratique autour de la thématique de « La crise du désir ». Dans ce cadre, sur les plateaux de théâtre, je me demande pourquoi la question du sens et de l’engagement social et civique s’impose tout particulièrement à ma génération. Depuis les dramaturgies d’après Hiroshima, très bien analysées par Catherine Naugrette dans Paysages dévastés, le théâtre et le sens de l’humain, je réfléchis aux modalités contemporaines de l’écriture dramatique. Ainsi, je m’interroge sur les chemins à découvrir encore dans les déserts. Comment avancer, en effet, sur les terres qui ont été déconstruites par nos pères ?  

Ceux qui nous ont précédés ont cru en la légitimité du démantèlement des valeurs et idées préconçues de leur temps mais ont baissé les bras quand il s’est agi de reconstruire autrement ce qui avait été défait. Ils ont cessé de croire en leur responsabilité face au futur et se sont laissé bercés par le « Rien à faire » d’Estragon, premier mot de l’En attendant Godot de Beckett. Comment progresser dans un monde qui a tué la chronologie et s’est laissé capturer par le présent et sa logique de l’intérêt immédiat ? Comment faire ses premiers pas quand toutes les routes ont été effacées et que les cartes ont été brûlées ? Ce n’est pas un hasard si les créations de la nouvelle génération d’artistes s’appuient de plus en plus sur la recherche des traces du passé dans les ruines encore préservées, sur la quête d’une âme persistante dans les vestiges de l’art. Nous avons besoin de croire que ce brouillard ne cache pas un néant absolu. Nous savons qu’il en va de notre responsabilité de ne pas laisser pourrir ce monde qui, selon ce que l’on nous a bien appris, est en déclin, cesse de briller, meurt à petit feu de notre inaction. Nés au temps de la crise du lien social, du désaveu idéologique, du désengagement civique, nous savons qu’il nous appartient de débroussailler les chemins pour trouver une autre voie pour ceux qui auront vingt ans dans vingt ans.  

Avoir entre 20 et 30 ans aujourd’hui, c’est se retrouver face à ce monde déconstruit, blessé, capturé par un système économique qui s’appuie sur le retranchement de l’individu sur lui-même, sur la dépression et le cynisme. C’est faire ses premiers pas d’adulte dans une société en laquelle peu ont encore foi, et pour laquelle seuls quelques héros -des lucioles survivantes comme le dirait Georges Didi-Huberman- peuvent encore combattre et s’engager. Avoir 20 ans aujourd’hui, c’est se découvrir individuellement devant un choix : celui de l’insertion dans un système fondé sur la promesse d’une satisfaction immédiate des besoins et plaisirs individuels - et donc sur le pragmatisme de courte vue instrumentalisé par les détenteurs du pouvoir économique et politique actuels - , ou bien celui du réveil de la pensée critique et de la recherche des moyens alternatifs pour conjurer l’annonce fataliste du déclin de notre civilisation.  

  Avoir 20 ans aujourd’hui, c’est avoir à choisir. » 

 

Lena Paugam

(mars 2014)

 

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